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HASTA SIEMPRE
1 juin 2010

LES CUBAINS SE RÉAPPROPRIENT LEURS TERRES

La révolution du monde agricole
L'État vient d'engager une série de réformes agraires
visant à redynamiser un secteur encore fragile

Terres_cubaines1
Plus qu'un gain de recettes, une production alimentaire “cubaine” permettrait au moins à l'Etat de diminuer ses dépenses d'importation. En espérant des conséquences sur les rémunérations des paysans et les prix.
Photo : Sébastien Madau

Dans l’île, plusieurs réformes concernent le secteur de l’agriculture. Des terres ont été distribuées aux paysans et l’État encourage la création de coopératives afin de dynamiser la production et diminuer ainsi les importations d'aliments.

Reportage

Le paysan, figure emblématique à Cuba, avait un peu perdu de son image de marque après la chute de l’URSS. L’activité sucrière était la principale source de revenus. Après la perte du client soviétique, le secteur a été radicalement restructuré. Des centrales ont fermé et les ouvriers redéployés dans d’autres secteurs.

Pourtant, il semblerait que l’agriculture ait aujourd’hui de belles perspectives devant elle. A cause ou grâce à la crise. L’Etat a lancé des réformes pour inciter les paysans des fermes d’Etat à se lancer dans le secteur coopératif ou travailler des terres en friche dans le but d’augmenter la productivité des sols cubains et diminuer les importations d’aliments qui s’élèvent à 80%. On appelle la jeune génération, notamment celle des provinces rurales, à prendre cette option en considération. Les premiers résultats sont encourageants. En 2009, 60.000 paysans ont franchi le pas et ont reçu 1 million d’hectares de terres appartenant à l’Etat mais n’étant pas cultivées. Cependant beaucoup reste à faire car toute une génération (née dans les années 80 et 90), citadine ou rurale, s’est dirigée vers des études technico-industrielles ou universitaires. La terre n’était alors plus la priorité.

La périphérie alimente la capitale

Guina de Melena, compte tirer son épingle du jeu. Cette municipalité de la province de la Havane est connue pour fournir la capitale en fruits, légumes et viande. Carlos Enrique Gonzalez Garcia est ingénieur agronome et président de la coopérative Ubaldo Diaz Fuentes, créée en 1982 sur 160 hectares par douze sociétaires “pour que les paysans aient de meilleures conditions de vie et que l’on mutualise les moyens : logements, terres, écoles, dispensaire…”. Aujourd’hui, la zone s’étend sur 200 hectares et produit pomme de terre, patate douce, manioc, haricot, banane et assure de l’élevage. La structure est dirigée par 7 des 51 sociétaires élus en assemblée générale. Le Parti communiste est aussi présent dans les instances.

Au quotidien, “nous garantissons un quota de nourriture produite”. Cahier de comptes sous les yeux, le président souligne que “depuis 2003, nous n’avons aucune perte”. La moitié des gains est redistribuée aux sociétaires, l’autre est réinvestie “dans la trésorerie, la contingence, le matériel et des fonds sociaux”. Ces agriculteurs sont satisfaits de leur choix. “Nous gagnions environ 11 pesos cubains par jour en 2003. Nous en gagnons 35 aujourd’hui”. Bien plus haut que la moyenne (1).

La question des revenus est liée à la production. “Nous n’avons pas de salaire mais un revenu anticipé, payé avant la récolte”. Si le secteur coopératif a introduit une part de propriété privée, la notion de socialisme demeure. “Nous vendons la majeure partie de notre récolte à l’Etat qui le revendra à la population” expliquent les sociétaires qui doivent convenir avec le ministère des quantités à produire. “C’est un avantage d’avoir l’Etat comme client unique car nous signons avec lui un contrat annuel à prix fixe garanti”.

Certains de ces produits seront revendus par l’Etat aux habitants à travers la libreta¸ un dispositif de vente à bas coûts, même s’il ne permet pas d’assurer la quantité d’aliments nécessaire pour un mois (mais seulement pour 2 à 3 semaines) et oblige les Cubains à se rendre ensuite dans des magasins aux prix plus élevés (2). “L’Etat vend nos denrées à la population moins cher que ce qu’il nous les achète” précise le président qui pour arrondir ses fins de mois peut vendre “entre 10 et 20% de la production sur les marchés”. Il admet : “Nous attendions la réforme sur la redistribution de terres. Elle nous permet de nous développer”. L’agronome est conscient qu’un temps d’adaptation sera nécessaire pour “réhabituer les jeunes à travailler la terre. S’ils voient que le travail paient bien, ils reviendront”. On dit que certains -très rares- peuvent gagner jusqu’à l’équivalent de 3 dollars par jour alors que le revenu moyen cubain est de 19 dollars mensuels, ce qui n’est pas sans poser des problèmes, en terme d’égalité de revenus. La réforme a permis de meilleures rémunérations. Le hasard ayant rarement cours en économie, on a vite constaté une augmentation de la production… Même si d’autres problèmes seront à régler, tel l’acheminement. Des récoltes entières ont pourri sur place, faute de camions en état ou de carburant. “Le matériel date souvent de l’époque soviétique et le blocus américain nous pénalise pour la recherche d’engrais, des pièces ou l’essence”.

Cuba a compris que son niveau actuel d’importation était insoutenable et ambitionne de gagner sa “souveraineté alimentaire”. Pour réussir, la réforme devra satisfaire le plus grand nombre : la population au niveau des prix, de la quantité et de la qualité ainsi que les agriculteurs à travers la rémunération.

(1) En 2009, le salaire quotidien moyen était d’environ 14 pesos soit 43 centimes d’euro.
(2) Un kilo de riz coûte 95 centimes de pesos (3 centimes d’euros) avec la libreta et 8 pesos (25 centimes d'euros) dans un supermarché. Les 300 premiers kw d'électricité coûtent 2,19 pesos (7 centimes d'euros).

Auteur : SÉBASTIEN MADAU

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Source : la Marseillaise - "Les cubains se réapproprient leurs terres"
Article publié le 16 mai 2010 sur le quotidien "
la Marseillaise" sud-est, P.IV

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